Affmic
Association Française des Foyers Mixtes Interconfessionnels Chrétiens
logo affmic

Témoignage d’un couple Versaillais (2012)

Semaine de l’Unité janvier 2012

Brigitte –catholique- et Jacques –protestant- Bellamy-Brown
4 enfants (30 ans, 28 ans, 27 ans, 23 ans)

Quelle est l’histoire de votre rencontre ?
Nous nous sommes rencontrés au lors d’un boulot d’été pour l’un et d’un stage commercial pour l’autre.
Brigitte : j’ai été élevée dans une famille catholique et ne connaissais pas l’Eglise Réformée avant de rencontrer Jacques. Par contre, le fait d’avoir passé une partie de mon enfance et de mes années étudiantes à l’étranger m’avait familiarisée avec d’autres façons de voir les choses. Cela ne m’a pas empêché de penser pouvoir convertir Jacques au début de notre mariage !

Votre différence de tradition chrétienne vous a-t-elle posé des problèmes ?
Jacques :
par rapport à nos familles, non. Dans la mienne, l’oecuménisme était déjà vécu par mes parents : mon père dans la Marine avait l’habitude de côtoyer des aumôniers catholiques, plusieurs de mes tantes et mon frère ainé avaient déjà épousé des catholiques. Dans la famille de Brigitte, je me suis senti très bien accueilli même si j’avais l’impression d’être parfois pour eux une énigme.
Par rapport à nos églises, nous avons eu la chance d’être accompagnés pendant toutes ces années de mariage par des groupes de foyers interconfessionnels (ou « foyers mixtes ») et des ministres dans nos deux confessions qui nous ont permis de répondre à nos nombreuses questions et d’avancer sur un chemin à inventer.
B. : je me suis vite aperçue que nous étions d’accord sur le fond et partagions la même foi (même Credo, même Notre Père, même baptême, même envie de vivre notre foi…) et cela m’a rassurée lorsque nous nous sommes engagés. Je me suis aussi rendu compte petit à petit que sur bien des sujets, c’était notre histoire, notre culture, notre sensibilité qui nous différenciaient tous les deux, nous déroutaient au début, nous enrichissaient ensuite.
J. : l’hospitalité eucharistique du côté catholique reste encore parfois un sujet douloureux. C’est dur d’entendre à la messe « Heureux les invités au repas du Seigneur » quand on sait que l’on ne l’est pas. Heureusement, un des évêques que nous avons rencontrés nous a invités à voir la participation à l’Eucharistie non pas comme une question de permis ou de défendu mais comme une question de conscience et de vérité, ce qui m’a libéré tout en étant attentif à ne pas choquer le prêtre ou les amis qui m’entourent.
Il y a aussi des moments de peine quand on se heurte à des a priori, des jugements souvent dus à une méconnaissance de l’autre confession voire de sa propre confession tant du côté protestant que catholique.

Comment avez-vous choisi d’éduquer vos enfants ?
Comme nous découvrions toute la richesse de pouvoir vivre notre foi dans nos deux églises, nous avons souhaité élever nos enfants dans la foi chrétienne, sans leur imposer un choix, et leur apprendre à respecter les deux identités quelle que soit leur décision future.
C’est pourquoi nous avons désiré avoir chaque fois une célébration oecuménique de baptême afin qu’ils soient inscrits sur les registres de nos deux communautés. Cette célébration eut lieu tantôt à l’église, tantôt au temple dans un souci d’alternance ou de témoignage.
Toujours dans ce souci « d’équilibre », nous avons choisi de leur faire suivre tout le parcours catholique et, parallèlement, de leur faire prendre le train en route du côté protestant à partir du collège.
Ainsi, lorsqu’un de nos enfants était moins motivé par un parcours, il pouvait continuer à avancer sur l’autre échelle…
Ils ont confirmé leur foi du côté catholique –sauf un- et ont été accueillis du côté protestant. Tous les quatre se sentent à l’aise des deux côtés, connaissent les différences et apprécient, selon leur tempérament, le silence d’une retraite, la beauté d’une célébration catholique, les sermons « protestants », la place de la communauté pendant la Sainte Cène…

Cela a–t-il modifié votre regard sur l’Eglise, les sacrements, l’unité voulue par le Christ en général ?
J. : sur l’Eglise oui. J’ai pris conscience avec Brigitte de la catholicité de l’Eglise qui dépasse largement pour nous au quotidien nos communautés et églises d’origine.
B. : dans la continuité de ce que dit Jacques, je pense maintenant « universelle » quand je dis « catholique » en récitant le Credo, ce que je ne faisais pas avant.
Le dialogue a été plus simple entre nous lorsque j’ai commencé à mettre le Christ au centre et non mon Eglise qui de ce fait ne devenait plus « supérieure » dans ma façon de dire les choses et laissait de la place aux autres confessions chrétiennes.
J. : à propos des sacrements, en tant que protestant je regrette profondément que l’on ne célèbre pas la Sainte Cène tous les dimanches car, pour moi, elle est aussi nécessaire que la Parole pour nourrir ma foi.
Notre cheminement nous a fait comprendre l’importance du poids de nos histoires : resituer dans leur contexte historique les décisions et positions de nos églises nous aide à distinguer ce qui est vraiment encore séparateur. Et si nous ne mettons pas le même mot sur ce que nous vivons, nous lui donnons souvent le même sens : par exemple, je crois que je vis mon mariage de la même façon que Brigitte même si ce n’est pas pour moi un sacrement (mot qui n’a pas exactement la même définition dans nos deux confessions).
B. : Sur l’unité, j’ai découvert qu’elle n’était pas une option mais une exigence du Christ (une exigence qui m’aurait sans doute moins engagée si je n’avais pas épousé un protestant).
J. : Pour nous, l’unité ne pourra en aucun cas signifier uniformité. L’unité ne peut se réaliser que dans la diversité et sera réalisée le jour où chacun d’entre nous reconnaîtra l’autre comme véritable frère en Christ, que chaque église reconnaitra l’autre comme Eglise à part entière appartenant au Corps du Christ.
B. : comme beaucoup de foyers « mixtes », nous vivons cette diversité dans la façon de prier, de lire les textes, de vivre les sacrements… comme une richesse, une chance, une grâce. Cette richesse implique de se laisser bousculer, interpeller par celui ou celle que l’on aime. Elle devient tellement évidente que l’on a envie de la partager avec nos communautés en tissant des liens d’amitié, un dialogue, des engagements communs…
Pour nous, cette diversité nous permet d’être encore plus attachés à nos Eglises respectives tout en servant de pont entre elles, un pont rendu possible entre autres choses par l’accueil des pasteurs et des prêtres rencontrés sur notre route, l’accompagnement des groupes de foyers mixtes, le travail du Groupe des Dombes… et l’action de l’Esprit Saint !

Brigitte et Jacques Bellamy-Brown