Affmic
Association Française des Foyers Mixtes Interconfessionnels Chrétiens
logo affmic

Créteil 2018

Journée Foyers Mixtes du 25 Novembre 2018

«Un parcours de foi entre richesses et contraintes de l’œcuménisme»

 

L’Affmic (Association française des Foyers Mixtes Interconfessionnels Chrétiens) organisait une journée de rencontre dimanche 25 novembre 2018 en la cathédrale de Créteil : plus de 80 personnes étaient réunies avec une volonté commune de mettre l’accent sur ce qui les unit, qui est plus important que ce qui divise.

Etre foyer mixte, c’est être dans une «conversation continue» entre les deux conjoints, et vivre ensemble la richesse de nos différences.

Lors de l’introduction, Eric Lombard nous a rappelé les objectifs de cette journée :

  • Parler de pastorale et de la vie quotidienne
  • Ce qui nous rapproche est plus important que ce qui nous divise
  • La vie de Foyers Mixtes est un enrichissement et une grande chance.

Fleinert et Jensen de Maack

Flemming Fleinert-Jensen, pasteur, s’est focalisé sur les richesses inhérentes aux foyers mixtes. Le couple mixte est un lieu privilégié d’une ‘conversation continue’. Elle commence lors de la préparation au mariage, continue lors de la célébration religieuse, au quotidien, puis lors du baptême des enfants, de leur éducation religieuse et de la transmission de la foi. Converser, vient du verbe latin converso = fréquenter le même lieu et s’y tenir habituellement, vivre avec. La famille est au centre d’un cercle concentrique où la conversation a lieu aussi dans un espace profane. Le foyer mixte peut saisir cette conversation pour construire son identité chrétienne. Le catholique devient meilleur dans sa foi, et idem pour la partie protestante.

Lors de la préparation au mariage, le prêtre ou le pasteur a une autorité écrasante, il faut éviter le monologue ecclésiastique et appliquer le principe de Socrate: je sais que je ne sais rien. L’ecclésiastique doit éviter d’aborder tout de suite les différences religieuses et culturelles, il est possible d’appliquer une méthode indirecte et de se demander: que veut dire être chrétien aujourd’hui, comment vivre ma foi aujourd’hui?

Lors de la célébration, on ne s’adresse pas tant au jeune couple, sur son petit nuage, mais aux autres, aux amis, ceux qui ne mettent que rarement les pieds à l’église. C’est un défi énorme pour le célébrant. Qu’est-ce qui distingue la parole chrétienne des autres? On peut voir ensuite les différences fondamentales à la lumière de cette question qui intéresse beaucoup plus que nos différences, et les questions controversées de l’hospitalité eucharistique.

Il faut trouver un discours qui colle à l’actualité des couples, nous avons certes un écart d’âge et de culture, mais nous avons en commun la société sécularisée dans laquelle nous vivons. C’est une chance de réfléchir à la différence chrétienne face à l’indifférence du monde, et du climat spirituel ambiant. A quoi bon s’encombrer de questions religieuses?

Les jeunes viennent avec leurs questions sur la religion, le christianisme, le doute sur la direction qu’indique la parole chrétienne. Le christianisme est un chemin, avec ses avancées, ses déviations … Et le couple est souvent asymétrique, non seulement d’un point de vue confessionnel, mais religieux en général. L’un des deux a souvent moins d’intérêt pour la vie de l’Eglise.

L’avenir de l’œcuménisme doit passer par une lecture commune et continue de la Bible. La richesse d’un foyer mixte est comparable à celle d’un couple international. Il y a le charme de l’incompris et des différences dues au vécu antérieur au couple.

Le foyer mixte a un rôle à jouer aujourd’hui dans la situation actuelle des Eglises. Côté orthodoxe, de nombreuses querelles intestines et des discours sur l’unité très fermés existent. Chez les catholiques, l’actualité n’est pas réjouissante et les divisions chez les protestants sont nombreuses. Alors les autres à l’extérieur se disent: à quoi bon tout ceci, on peut s’en passer !

Une conclusion en guise d’appel : les foyers mixtes doivent être le noyau qui aide les églises à surmonter leurs difficultés, pas comme un lobby mais comme un levain : faire lever le pain de l’Eglise, faire avancer les chrétiens dans la compréhension de la foi.

 

Frédéric de Maack, diacre et conseiller spirituel de l’Affmic, nous parle des contraintes des foyers mixtes dans leur parcours de foi. Le mot contrainte a 3 sens:

  • Des restrictions qui vous contraignent, qui peuvent venir des églises, des traditions historiques ou familiales
  • Un renoncement, vis-à-vis du monde, et à l’intérieur de soi-même. Renoncer à s’enfermer dans un groupe. Un couple se construit sur une séduction bi univoque, et jamais gratuite,
  • Des exigences. Et là, il y a beaucoup de richesses. Après avoir renoncé pour construire, la contrainte nous oblige à des exigences : l’amour, la vie chrétienne, la mission.

 

Les grands moments de la vie chrétienne :

1- Préparation au mariage, Célébration du mariage, Pratique de foi en commun.

Dans la préparation au mariage, des restrictions existent. La théologie est différente. Dans un cas, c’est un sacrement, dans l’autre c’est un engagement. Et la doctrine est différente, pour les catholiques, il faut faire un dossier, avec cette fameuse déclaration d’intention, parfois difficile à formuler. Il y a la famille et son poids à ne pas négliger, et la séduction, est ce que l’un essaie de captiver l’autre et l’entrainer vers son église, et là on perd la richesse de cet ensemencement mixte ou bien accepte de dialoguer jusqu’à la fin. C’est l’apprentissage du secret spirituel de l’autre et le respect des différences.

Dans la célébration du mariage, la richesse est de donner à l’œcuménisme toute sa place malgré les différences liturgiques pour s’engager devant une communauté et des témoins. La différence doit être un modèle de l’unité des églises.

La pratique religieuse en commun, la vie avant les enfants, la découverte des deux communautés, les engagements, la formation, les retraites, les pèlerinages, c’est là que se construit le couple chrétien. Il est important de faire attention à l’évolution des doctrines, de se tenir au courant. Des Eglises bougent, d’autres pas, on ne marche pas tous à la même vitesse. Attention d’éviter la perméabilité à l’indifférence – et aussi l’intégrisme. C’est un danger des foyers mixtes. Si les positions sont trop affrontées, c’est plus facile de tout laisser tomber.

 

2 – Accueil des enfants, baptême, transmission de la foi, eucharistie / Ste Cène

La période 25-45 ans est riche sur tous les plans, professionnel et familial et consume beaucoup de temps. L’éducation des enfants n’est pas forcément similaire dans les Eglises: l’Eglise orthodoxe baptise, donne la confirmation à des tout-petits nouveau-nés de 1 ou 2 mois. Il est nécessaire de dialoguer pour expliquer les choses. Nous avons un seul baptême, mais attention, il faut qu’il soit valide!

3 – Confirmation

On suppose que les enfants sont libres, on les fait entrer dans une décision qui va ou non changer leur vie.

Transmission de la foi : il y aura des restrictions quand on met ses enfants dans des écoles catholiques. Comment un foyer mixte se situe par rapport à cela? Et il faut sensibiliser les enfants à l’histoire, et mettre des gestes très tôt. Renoncer à la possession de la vérité. Renoncer à l’assurance morale et éduquer dans la liberté. Il faut insister sur le pardon et l’éducation «N’exaspérez pas vos enfants» …ni vos parents. Et le sujet de la communion est important: cela nécessite de bien comprendre la doctrine / la théologie.

4 – la vie chrétienne après les enfants, et les petits enfants…

Dans la vie chrétienne, il est important d’écouter l’appel de Dieu, cet appel peut se manifester dans le monde, à la maison ou à l’église. Prendre une mission de service permet d’avancer dans la foi et d’être un ferment d’unité pour les églises.

Pardon et réconciliation font partie des exigences et de la richesse. C’est l’offense au prochain le plus proche, donc à Dieu lui-même. Le pardon l’un vis-à-vis de l’autre est bon mais il ne faut pas oublier que Dieu est présent dans le couple sanctifié, et que l’aide de l’Esprit Saint dans la réconciliation est fondamental et doit être partagé. Les foyers mixtes sont le reflet du commandement du  Christ: «Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé». Et comme on dit pour les ordinations : «Que Dieu lui-même achève en vous ce qu’il a commencé»

 

Présentation d’un travail sur la prière eucharistique préparé par le groupe de Foyers Mixtes de Paris en 2013.

Pour pouvoir dire Amen au moment de la communion, il faudrait que le Chrétien puisse dire Amen à la Prière eucharistique. Comment résonne cette proposition dans le cœur d’un protestant ?

Le groupe de Foyers Mixtes de Paris a choisi de travailler sur la prière eucharistique pour la réconciliation N°1. A chaque formule qui pose problème, il y a une réflexion, une question, …

Le groupe a repris chacune des paroles prononcées dans cette prière et lorsqu’il y avait débat, transcrit la re-formulation réformée du passage concerné pour parvenir, grâce au dialogue par la recherche d’un consensus différencié (dont le principe vous est présenté ci-dessous), à une acceptation commune des termes de cette prière. Belle illustration des fruits d’un dialogue en vérité.

Flemming Fleinert-Jensen explique la notion de consensus différencié. A son avis, le temps des controverses théologique est révolu, on ne peut plus se permettre un tel luxe. Les désaccords existent, il ne faut pas les écarter ou les surévaluer, mais les commissions rencontrent une difficulté: on a déjà parlé de tout, comment trouver du nouveau à dire  ? et aussi : est ce que les jeunes couples s’intéressent à tout cela?

Mais nous appartenons tous à l’Eglise du Christ. L’histoire a donné un nom différent à ces églises mais nous sommes dans le même bateau, car nous partageons la même foi fondamentale, même si on a des différences sur des éléments de doctrine.

Il y a dans notre entourage tant de préjugés les uns sur les autres: par exemple des formules comme ‘Les catholiques croient au pape, à la vierge Marie’ ou bien ‘Les protestants ne croient pas à la présence réelle’

Dès le début du mouvement oecuménique, nous avons travaillé sur différents modèles de diversité réconciliée. Il existe un consensus dans les vérités fondamentales, c’est-à-dire un exposé différent d’une même vérité fondamentale.

Exemple de la Doctrine sur la justification (document paru en 1999) : avec nos différences d’accents et de tradition, on peut avoir un consensus différencié qui porte de façon légitime sur la justification, mais le fond est le même, même si on l’exprime différemment. On peut créer un consensus capable de distinguer et d’accepter les différences.

La conférence luthéro catholique a publié un document sur le baptême. Mais, pour le moment, il n’y a pas de progrès sur hospitalité eucharistique …. Il reste du chemin à parcourir.

 

Cette journée fut dense; les échanges ont été riches, les témoignages parfois douloureux. Mais nous avons vécu plusieurs moments particulièrement forts, notamment quand Mgr Santier, après un témoignage, a demandé pardon pour les blessures provoquées par le manque d’écoute, d’accueil de certains ministres, rappelant par ce geste la nécessaire conversion à laquelle chacune de nos églises et chacun d’entre nous sommes appelés pour nous reconnaître pleinement frères et sœurs en Christ.

En conclusion, Mgr Santier a rappelé l’importance de la formation des prêtres sur ces sujets, et le rôle clé des foyers mixtes dans les paroisses pour rayonner de l’amour de Dieu.

 

La journée s’est terminée par une messe, qui était un témoignage fort d’accueil et d’ouverture pour avancer ensemble sur le chemin de l’unité. Quelle joie de participer à cette messe présidée par Mgr Santier avec à ses côtés, vêtu de sa robe pastorale, Rafi Rakotovao, pasteur de l’Eglise protestante unie de Créteil entouré des prêtres et diacres ayant participé à cette journée !

 

Compte-rendus des carrefours 

Les thèmes choisis pour les carrefours sont  de vrais enjeux dans l’aventure qui attend le couple mixte. Sur chaque sujet, les participants devaient résumer leurs discussions en formulant : une richesse, une difficulté, une espérance.

 

1 – Eucharistie et Sainte Cène.

Une richesse : pour tous, l’approfondissement et la meilleure compréhension sont incontournables. Le vivre ensemble dans les deux Eglises amène à y réfléchir en couple car ce défi est ressenti comme un besoin vital.

Une difficulté : le partage des sacrements reste difficile à vivre car les célébrants ne comprennent pas tous  le besoin du couple

Une espérance : les Foyers Mixtes demandent dans cette démarche  à être  reconnus comme croyants adultes libres (comme le pape les a enjoints d’être).

 

2 – Le baptême des enfants

Une richesse : il est le sacrement de l’Unité des Chrétiens, socle commun, symbole de l’Unité, reconnu par les trois confessions. Sa reconnaissance mutuelle confère aux enfants une future liberté de choix.

Une difficulté : tous les ministres n’acceptent pas encore cette reconnaissance mutuelle ou l’ignorent !

Une espérance : Cette reconnaissance mutuelle devrait s’imposer à tous avec l’aide des foyers mixtes  qui la vivent dans leur projet familial.

 

3 –  L’éducation religieuse des enfants

Une richesse : les enfants de Foyers Mixtes ont la chance de grandir sur un même chemin chrétien, éclairés par deux regards différents. Ce chemin peut passer  par une double insertion.

Une difficulté : ceux qui ne sont pas « que » protestants ou « que » catholiques sont souvent interpellés : Alors toi, tu es quoi ?

Une espérance : leur éducation religieuse à l’extérieur de la famille devrait être ouverte dans le respect  des deux identités des parents.

 

4 – La foi dans la construction du couple, réconciliation et pardon

Une richesse : la foi et l’amour Agapè donnés par Dieu au mariage sont le ciment de la construction du couple. Le roc est Jésus Christ. S’ajoutent dans les difficultés la réconciliation et le pardon qui en font un moteur à alimenter.

Une difficulté : savoir formuler le pardon, l’ajuster à l’autre, savoir le recevoir, veiller à ce qu’il soit reçu. Le pardon n’est pas mécanique et doit être vécu en vérité.

Une espérance : le passé, Dieu te le pardonne ; le futur, Dieu te le donne. Tu as donc la liberté de construire ton présent avec l’aide de Dieu : le premier objet d’attention du couple doit être lui-même, il doit en prendre soin, y consacrer du temps, « quitter son père et sa mère », être plus fidèle  à ce qu’il est en train de construire qu’à des héritages passés.

 

5 – Prier et lire la Bible en couple

Une richesse : c’est un moment que l’on se donne dans le couple devant Dieu : il permet de prendre de la distance par rapport aux problèmes du quotidien et de se retrouver ensemble sous son regard.

Une difficulté : il est toujours difficile de trouver, de prendre, de se donner le temps de lire la Bible, du fait de nos tempéraments ou de nos héritages spirituels différents.

Une espérance : Trouver la bonne manière de prendre le temps de lire la Bible, notamment au moment de la retraite. Se laisser raboter par Dieu en couple.

 

6 – Le dimanche d’un Foyer Mixte

Une richesse : une occasion de se recentrer sur l’essentiel et de faire un choix, un compromis. Un renoncement pour l’un permet à l’autre de découvrir une autre façon de tisser des liens avec Dieu. L’expérience de la différence pousse chacun à se réinterroger sur sa manière de vivre le dimanche.

Une difficulté : le dimanche peut être synonyme de sentiment, de rejet lorsque l’accueil des Foyers Mixtes au sein des paroisses n’est pas à la hauteur de leurs attentes. Leur bonne insertion dépend du prêtre ou du pasteur ; elle est  souvent remise en question lors de leur changement.

Une espérance : malgré un contexte peu ouvert à l’œcuménisme, il y a deux motifs d’espoir : le message d’ouverture véhiculé par le Pape François et la capacité des enfants issus de foyers mixtes à accepter la diversité confessionnelle.